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L’aiguille de feu

Pr WANG De Feng

Présenté au 2ème CONGRES INTERNATIONAL DE MEDECINE CHINOISE
Paris 1 et 2 octobre 2005

L’aiguille de Feu est appelée ‘PAN ZHEN’, ou ‘CU CI’, ou ‘SHAO ZHEN’, ou ’BAI ZHEN’.
C’est l’une des méthodes d’acupuncture, elle consiste à piquer le point d’acupuncture avec l’aiguille chauffée au rouge.

1. Origine et évolution de l’aiguille de feu

La méthode est mentionnée dans le Huang Di Nei Jing, c’est l’une des 9 techniques d’acupuncture qui y est traitée. Ling Shu. Guan Zhen :  » Il y a 9 méthodes d’acupuncture pour traiter 9 pathologies (c’est à dire la multitude). La première ‘Shu Ci’, la deuxième ‘Yuan Dao Ci’, … et la neuvième : CU CI « . Nous trouvons dans le Nei Jing la définition précise de l’outil à utiliser, des indications cliniques et des contre indications. C’est la référence de son utilisation historique qui a permis sa pratique large au cours des siècles.

Sous les dynasties Tang et Song (618 – 1279)les applications de l’aiguille de feu ont été élargies aux maladies internes, furoncles et ulcères, alors que le Nei Jing ne mentionnait que les applications relatives aux tendons musculaires et articulations.

Dans son ouvrage ‘Qian Jin Fang’ (Prescriptions valant mille pièces d’or), le Dr SUN Si Miao (581 –682) indique :  » Pour traiter furoncles et anthrax, il faut chauffer l’aiguille jusqu’au rouge. »

Dans son ouvrage ‘Ci Sheng Jing’ le Dr WANG Chi Zhong mentionne des cas d’asthme traités par l’aiguille de feu.

C’est sous les dynasties Ming et Qing (1368 – 1911), que l’aiguille de feu a été largement développée.

Il est important de citer le Dr GOU Wu avec son ouvrage ‘Zhen Jiu Ju Yin’ (Essentiels d’Acupuncture et moxa 1529), qui a le plus fait évoluer l’aiguille de feu, tant pour l’aiguille elle-même, que pour le mode opératoire, les applications cliniques, et les contre indications.

Depuis la fin de la dynastie Qing (1911), pour des raisons socio-politiques, l’aiguille de feu n’a pas connu d’évolution, son enseignement n’a plus été assuré, et la technique a failli disparaître.

L’aiguille de Feu a été sauvée de l’oubli depuis. Des études et des recherches sur cette méthode antique et efficace ont été nécessaires pour son adaptation à la vie et aux pathologies modernes. C’est la raison pour laquelle, de 1986 à ce jour et de façon continue, j’ai décidé de travailler sur ce sujet, améliorer la technique, élargir son champ d’application clinique, augmenter son efficience, et définir les règles de ses applications (Gui Lu).

2. L’aiguille et le procédé

Mes années de pratique m’ont montré que la meilleure matière pour l’aiguille de feu est l’acier inoxydable allié au tungstène et au manganèse, qui assure une bonne tenue mécanique même aux températures élevées qu’implique la méthode. L’aiguille, grâce à sa dureté ne se plie pas au moment de traverser l’épiderme. Afin d’éviter la rupture de la pointe de l’aiguille, celle-ci ne doit pas être aussi effilée que les aiguilles classiques. Pour la sécurité du praticien, le manche de l’aiguille de feu doit isoler de la chaleur provenant de la pointe.

Pour traiter différentes pathologies et piquer différentes localisations, on peut classer les aiguilles en 3 tailles : Fine (F de 0,3 à 0,5mm), Moyenne (F de 0,5 à 0,8mm) et Grosse (F de 0,8 à 1,1mm).

Le procédé de l’aiguille de feu diffère notablement de l’acupuncture générale :

  • Localisation du point à traiter,
  • Stérilisation de la zone à piquer,
  • Chauffer l’aiguille au rouge, en tenant celle-ci de la main la plus adroite. La partie de l’aiguille qui doit pénétrer se trouve chauffée directement au-dessus de la flamme. L’incandescence doit être obtenue pour assurer les meilleurs résultats.
  • Insertion de l’aiguille : elle doit se faire très rapidement, juste après la chauffe de celle ci. Le geste doit être accompli en moins d’un dixième de seconde. Si cette rapidité n’est pas respectée, la température de l’aiguille chute rapidement, l’efficacité en est réduite, et le patient ressent une douleur plus importante. La rapidité est donc le point essentiel de ce procédé d’acupuncture.
  • Dans la plus part des applications, l’aiguille doit être retirée immédiatement, c’est ‘L’aiguille Rapide’. Pour certaines pathologies, l’aiguille est laissée en place entre une et cinq minutes.
  • Le retrait de l’aiguille se fait de façon très rapide, d’un geste franc sans hésitation. Ceci afin d’éviter douleurs et cicatrices.
  • Après le retrait de l’aiguille, presser sans masser le point traité avec un coton sec.

Pendant 24 heures après le traitement, la zone piquée ne doit pas être en contact avec l’eau.

Pour résumer la méthode, 3 mots importants sont à retenir : Rouge (chauffer au rouge), Précis (localiser et piquer de façon précise), Rapide (Insertion très rapide de l’aiguille).

3. Fonctions cliniques de l’aiguille de feu

Après mon étude de thèse, l’observation clinique et les analyses de laboratoire, les fonctions principales de l’aiguille de feu sont : Chauffer et Désobstruer les méridiens et vaisseaux Luo, faire circuler l’Energie et le Sang.

De 1987 à 1988, l’examen de la microcirculation du repli unguéal a été systématiquement effectué sur 20 patients, avant et après l’aiguille de feu. Les résultat de ces analyses, ont montré que la vitesse de la circulation du sang a augmenté et que l’aspect de la microcirculation s’est nettement amélioré. Ce résultat montre que l’aiguille de feu peut activer la microcirculation, cela confirme donc le rôle primordial de l’aiguille de feu pour Chauffer et Désobstruer les méridiens et vaisseaux Luo, faire circuler l’Energie et le Sang.

Consécutivement, les fonctions secondaires observées de l’aiguille de feu sont :

  • expulser le froid et l’humidité,
  • rafraîchir la chaleur et éliminer les toxines,
  • dissoudre les masses, drainer le pus,
  • favoriser la régénération des tissus et de la peau, aider à la cicatrisation,
  • tonifier les Reins, chauffer l’énergie Yang,
  • réchauffer le réchauffeur moyen,
  • régulariser les fonctions de l’Estomac,
  • favoriser la fonction d’exhalation du Poumon, calmer l’asthme,
  • calmer la douleur,
  • arrêter démangeaisons et prurit,
  • calmer les spasmes,
  • soulager l’engourdissement.
  • Douleur locale de la partie externe du coude.
  • Douleur à la pression.
  • Dans les cas extrêmes, la douleur irradie dans l’avant bras plus ou moins loin vers le poignet. Elle peut également irradier dans le bras.

4. Utilisation clinique de l’aiguille de feu

Le grand nombre de fonctions traitées par l’aiguille de feu permet une grande diversité d’applications cliniques. Depuis près de 20ans, j’ai traité environ 25 types d’affections, avec le plus souvent un résultat satisfaisant et définitif. Par exemple, spasmes œsophagiens, prolapsus de l’estomac, polyarthrite rhumatoïde, hémiplégie, tic facial, mastite, artérite, périarthrite, névralgie sciatique, ‘tennis elbow’, tendinite, calcification des tendons, lombalgie, psoriasis, zona, verrues, durillons plantaires, kyste ovarien, fibrome utérin…

5. Étude de 30 cas d’épicondylite traitée par l’aiguille de feu

De 2002 à fin 2004, j’ai traité 30 cas d’épicondylite (tennis elbow), dont le bilan est donné ci-dessous:

Données cliniques :

  • Sexe et âge : 18 hommes, 12 femmes ; âgés de 27 à 71ans
  • Présence de l’affection : < 3 mois : 4 cas
  • entre 3 et 6 mois : 10 cas
  • entre 6 et 12 mois : 11 cas
  • > 1 an : 5 cas
  • Atteinte unilatérale : 21 cas
  • Atteinte bilatérale : 9 cas.

Diagnostic :

  • Douleur locale de la partie externe du coude.
  • Douleur à la pression.
  • Dans les cas extrêmes, la douleur irradie dans l’avant bras plus ou moins loin vers le poignet. Elle peut également irradier dans le bras.
  • Le mouvement de l’articulation du coude est normal, mais la douleur est accentuée au mouvement.
  • Dans les cas graves, l’épicondyle s’épaissit et se déforme.

Méthode de Traitement :

  • Trouver le ou les Ashi Xue (de 1 à 3) dans la zone de l’épicondyle, les repérer
  • Stériliser localement
  • Chauffer la pointe de l’aiguille fine, jusqu’à incandescence.
  • Rapidement piquer chaque Ashi Xue, sans y laisser l’aiguille. Ensuite piquer le point GI12 (Zhou Liao) ou GI11 (Qu Chi) ou GI10 (Shou San Li), y laisser l’aiguille de feu 5 minutes.
  • Presser les points après le retrait de l’aiguille de feu à l’aide d’un coton sec.
  • Eviter tout contact avec l’eau pendant 24h.
  • Faire une séance tous les 5 à 7 jours.

Résultats du traitement :

  • Guérison en 2 séances : 6 cas (20%);
  • Guérison en 3 séances : 8 cas (26,7%);
  • Guérison en 4 séances : 11 cas (36,7%);
  • Guérison en 5 séances : 3 cas (10%);
  • Guérison en 6 séances : 1 cas (3,3%);
  • Traitement arrêté après une séance : 1 cas
  • Taux de réussite : 96,7%.

La guérison est considérée acquise quand le patient ne se plaint plus de douleur, au repos, à la pression et au mouvement.

Six mois après le traitement, chaque patient a été contacté pour connaître le taux de rechute : 26 cas (86,7%) n’ont présenté aucun signe de rechute.

3 cas (10%) ont connu de nouvelles douleurs, mais pouvant être liées à leur profession.

Présentation d’un cas :

Mme Lacoste, 71 ans, épicondyle bilatéral depuis 18 mois, depuis 4 semaines les douleurs se sont accentuées, coté droit plus douloureux, ne peut faire les tâches domestiques.

Traitements déjà effectués sans amélioration : 20 séances de massage, une infiltration locale, 5 séances d’acupuncture.

Sur les conseils d’un ami, elle se présente à mon cabinet le 20 mai 2004. Après la 1ère séance de traitement par l’aiguille de feu, le 1er jour, la douleur s’est accentuée, à partir du 2ème jour elle a ressenti un grand soulagement; 2ème séance 5 jours après, la douleur au coude a presque disparu, légère douleur à la pression.

Après la 3ème séance, la douleur a disparu, mais lors de tâches quotidiennes une légère gêne est encore présente.

Après la 4ème séance, elle effectua un voyage de 3 semaines, à son retour, elle me signala que durant les 2 premières semaines tout allait bien, la dernière semaine, une douleur au mouvement réapparût. Elle vint pour une 5ème séance.

Fin 2004, elle se présenta pour une autre pathologie, elle me dit alors que les douleurs aux coudes avaient complètement disparu.

A travers ce témoignage, on voit que l’Aiguille de Feu, méthode antique particulière d’acupuncture d’une grande valeur pratique est toujours d’actualité, et elle présente un grand potentiel d’applications.

Pr WANG De Feng
Juin 2005